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Une prière en fin d’après-midi

Mai 2022 – Australienne, Eileen Glass est l’ancienne responsable internationale de L’Arche.
Eileen raconte ici une rencontre qui l’a transformée
.

En 1976, je suis rentrée en Australie, après une absence de trois ans. Mes voyages m’avaient conduite à L’Arche à Trosly, en France. Là, des personnes avec ou sans handicap intellectuel partagent une vie commune. J’avais également passé deux ans à L’Arche à Winnipeg, au Canada. Au cours de ces années, j’avais vécu une conversion profonde, vers une foi adulte. De retour dans mon pays, je me sentis seule. J’étais l’unique personne en Australie à avoir connu L’Arche, et on me demandait souvent si j’allais ouvrir une communauté ici. Je n’en savais rien. Je me sentais si loin des personnes avec lesquelles j’avais partagé cette expérience. Je connaissais mal la réalité des personnes avec un handicap dans mon propre pays, et je me posais des questions autour d’un éventuel engagement auprès des personnes Aborigènes. C’est à ce moment-là que Jean Vanier, ayant été invité en Australie, m’a demandé de l’aider à organisater sa visite. Ce fut une expérience enthousiasmante et un peu intimidante. Sans pouvoir vraiment mettre de mot dessus, ce sont bel et bien des compagnons que je cherchais, dans ce cheminement personnel.

En janvier 1977, je suis allée visiter une petite communauté de laïcs située à Goulburn, à 200 kms au sud de Sydney. J’étais impatiente de découvrir des communautés australiennes et j’étais entrée en contact épistolaire avec la responsable de cette Maison de Prière. Jeune femme de grande taille, Sue avait une présence chaleureuse. Elle me parla de sa vision d’une communauté centrée sur la prière, le travail et l’hospitalité. Elle semblait répondre à un appel profond. Je fus émue par son histoire, par la profondeur et la simplicité de sa foi, et par le courage qu’elle montrait, de se mettre ainsi en route. En retour, Sue écouta le récit de ma propre histoire. Tard dans l’après-midi, elle m’invita à la chapelle. Ce temps de prière, toutes les deux seules dans le silence de la chapelle, changea tout pour moi. C’était la première fois que j’étais assez en confiance pour nommer cette semence si fragile, cette conviction ténue qu’il y avait un appel dans ma vie, un appel à travailler à la fondation de L’Arche en Australie. Ce fut un moment de grâce, celui du «oui».

C’était il y a 45 ans de cela. La foi de Sue et son don pour la prière continuent à être une bénédiction pour moi. Sa foi est comme un grand arbre, dont le vaste feuillage m’abrite lorsque je suis confrontée aux limites de ma propre foi et de ma capacité à prier. Son amour et son amitié m’ont permis de tenir, alors que nous travaillions chacune à l’ouverture d’une communauté : pour Sue, après le démarrage à Goulburn, il y eut le déménagement, avec son mari David et leur famille, au centre de l’Australie, à Alice Springs. Là, ils se sont installés au milieu du peuple Arrernte (*). Ils y ont organisé des retraites autour des Ecritures, au cœur du pays. Pour ma part, je participais à l’établissement de L’Arche à Canberra, à une heure de Goulburn. Puis il y eut la fondation de Sydney et Hobart. Je fus ensuite appelée à des responsabilités avec les communautés d’Asie, de Nouvelle-Zélande, puis finalement à L’Arche Internationale. Les communautés que nous avons initiées ont grandi, puis diminué, elles ont porté du fruit au-delà de ce que nous pouvions imaginer ; elles ont été source de douleur et de joie profonde dans nos vies. Sans jamais renoncer à ce que nous savions être notre vocation profonde, nous avons cheminé parallèlement, des dizaines d’années durant.

C’est avec gratitude que je me souviens de ce moment de prière avec une femme que je venais juste de rencontrer, un moment qui a permis à ce oui d’émerger et qui a façonné ma vie.

Eileen Glass
25/04/2022

(*) Le peuple Arrernte est un peuple Aborigène, originaire des terres autour d’Alice Springs.

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