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Portrait – Sabrina

26 Août 2021 - Cette semaine, c’est bientôt la rentrée, et on croise déjà du monde à La Ferme. Pour la dernière fois de l’été, un groupe de l’APA s’est établi dans nos murs pour une retraite ignacienne.

Dans une belle lumière de fin d’après-midi, je rencontre au jardin Sabrina D, qui accepte de me parler de sa vie, de sa foi, et de ce qu’elle vit au cours de la retraite. Sabrina discute facilement, et je découvre rapidement qu’elle est une survivante. Une enfance vraiment pas facile, un passage en hôpital psychiatrique à l’adolescence et c’est là que, sanglée à son lit pour ne pas risquer de sauter par la fenêtre, elle ouvre une Bible pour la toute première fois. Elle me mime la scène : les bras attachés le long du corps, seules les mains sont mobiles, et elle ouvre la Bible posée sur son ventre : elle tombe sur le Psaume 23, elle lit « L’Eternel est mon berger, je ne manque de rien ». Elle décide alors de demander à ce Dieu, cet « Eternel », de la libérer de ses liens, au sens très concret du terme.

Des années plus tard, la voici avec sa maman bretonne à Paris, à la rue après le décès du papa, algérien et kabyle. La vie dans la rue parisienne n’est pas simple, mais elle trouve la consolation en entrant dans les églises. Elle finit par demander le baptême, mais de prime abord, on se méfie dans les paroisses de cette convertie sans domicile fixe. Elle trouve enfin, à la Paroisse Ste Rita, un prêtre pour l’accompagner et, le 19 juillet 2019, elle reçoit le baptême à Paray-le-monial. « à 10h45 », me précise-t-elle, « la même heure que celle de ma naissance ! »

Aujourd’hui, elle se sent pleinement de l’Eglise, elle aime lire lectures et psaumes à la messe dominicale, et demande souvent aux gens s’ils ont des intentions de prière à lui confier. Quand je la questionne sur son début de semaine ici à La Ferme, elle me dit que ça lui a déjà beaucoup apporté. Pourtant, elle confesse être arrivée à ce qui est sa première expérience de retraite spirituelle le cœur lourd, perdue et angoissée. « Forcément, précise-t-elle, j’ai vécu six deuils en quatre ans. » Et d’égréner les dates de décès, et les personnes en question : son père, suivi de peu par son frère jumeau, puis sa mère, son parrain de baptême, et enfin un neveu et une nièce… Mais ici, depuis quelques jours, elle se sent un peu mieux. Outre le calme, et la nature, elle apprécie particulièrement les temps de partage en petit groupe, et les temps tous ensemble. « J’ai du monde autour de moi, je ne suis pas seule. »

Avant de nous séparer, je lui demande comment elle nourrit sa vie spirituelle au quotidien, aujourd’hui. Elle me répond très simplement : « en parlant de Jésus, dans la rue. Parfois, je monte dans un bus, et je me mets à parler aux gens : Jésus est vivant, il vous aime tels que vous êtes, jamais il ne vous jugera. » Et puis elle se souvient, rigolarde : « Une fois, une dame s’est levée et a dit que j’étais folle, qu’il fallait me faire descendre du bus. Le chauffeur m’a défendue, il a répondu que j’avais le droit de dire ce que je pensais. »

« Ce que je dis aux gens dans la rue, je ne pourrais pas le garder pour moi. Ça serait de l’égoïsme. » rajoute-t-elle en guise de conclusion.