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Un café italien

14 décembre 2022 - Rencontre à La Ferme de deux nouveaux responsables de communautés italiens.

☕ LE CAFÉ DE LA FERME EST-IL BON ?

Eh bien, hem. Ça dépend à qui l’on demande, en fait. Il y a deux semaines étaient rassemblés chez nous une vingtaine de nouveaux responsables de communauté de L’Arche, venus de pays aussi divers que l’Écosse, la Pays de Galles, l’Allemagne, la Belgique, le Brésil, et autres. Il y avait même des Italiens. Je les ai rencontrés.

Pour Giancarlo, Daniela, et surtout pour Antonella, la traductrice venue de Naples, le café n’est sans doute pas notre meilleur atout, à La Ferme. Si tous trois apprécient beaucoup leur séjour et la formation, ils ont néanmoins instauré un petit rituel, dont ils me font profiter. Après le café de La Ferme, servi en fin de repas, tout le groupe se lève de table et se disperse. La bande des Italiens me fait alors signe de les suivre, et nous nous retrouvons autour d’une mini-machine à café italienne de voyage, branchée sur prise de courant. Un café après le café, en somme. Ce jour-là, c’est la machine « 2 tasses » d’Antonella qu’on utilise, mais Giancarlo ne se prive pas de me préciser qu’il a, lui, emmené une « 4 tasses », et d’ailleurs ni l’un ni l’autre ne quitte l’Italie sans le précieux appareil. C’est donc autour d’un espresso bien corsé (et fort goûtu, je dois le reconnaître) que je fais connaissance des nouveaux responsables de communauté italiens.

Membre de L’Arche à Bologne de longue date, c’est il y a deux ans que Daniela en est devenue la responsable. Elle continue néanmoins d’assurer trois après-midis par semaine au tribunal des affaires familiales de Bologne, en tant que juge pour mineurs. Depuis qu’elle a pris la responsabilité de la communauté de Bologne, elle avoue sentir sur ses épaules le poids… des responsabilités ! Elle se sent en permanence en charge de ce qui se passe dans la communauté, et garde avec l’équipe un lien constant, même à distance. Derrière ses lunettes à monture épaisse, elle me raconte même, avec une certaine autodérision, l’angoisse qui a été la sienne quand, en vacances cet été, elle a passé 7 longues heures dans une zone sans réseau téléphonique… Quand je lui demande de me raconter son arrivée à L’Arche, il y a douze ans, elle m’évoque un étonnement : pour sa première expérience dans une « institution » pour personne avec un handicap mental, elle pensait trouver des locaux gris, laids, tristes. Elle a été surprise par « le soin apporté aux lieux, aux chambres, aux bureaux, etc. » Pensant arriver dans un univers sombre, elle a découvert un environnement beau, un climat serein. Entendre cela me donne envie d’aller à Bologne.

Giancarlo n’est pas de la même génération. Âgé d’une vingtaine d’années de plus que Daniela, il n’a rejoint L’Arche que très récemment, après un long parcours dans diverses structures italiennes de solidarité. Arrivé dans la communauté d’Il Chicco, près de Rome, juste après les deux années de ce qu’il appelle la « réclusion Covid », il a été frappé dans un premier temps par la sensation de fatigue, de souffrance liée à ces années difficiles, mais aussi, très rapidement, par la richesse humaine et la capacité de résistance de la communauté, « supérieure à ce qu’on trouve ailleurs » me confie-t-il. « À L’Arche, le Covid a rencontré une humanité qui a résisté ». Comment ? « L’espérance, la joie, la fête ». Pendant cette semaine à La Ferme, il me dit être frappé du fait que, si la semaine de formation se déroule sans personne porteur d’un handicap (hormis Laurent et Yvon, de La Ferme), la richesse de ce qui se vit en communauté au contact des personnes accueillies est bien là. « Ici, pendant cette semaine, je respire le même air que celui qui se respire dans les communautés. »

Entendant cela, je hume mon café napolitain, qui fume dans sa petite tasse blanche. Il sent bon. Je suis bien assis, dans un fauteuil confortable. Vraiment, tous les ingrédients sont réunis : comme me le redit Antonella, c’est ainsi que le café se déguste : « caldo, commodo, e in compania. » (chaud, confortablement installé, et en bonne compagnie.)

Nous y sommes.